La lecture de ces pages se veut utile aux personnes appelées à prendre des décisions en matière de politique de l’eau.
Gérer l’eau de pluie et ses eaux usées suivant les principes de l’EAUTARCIE est plus qu’un simple choix ou option technique: c’est aussi un choix de société, un acte hautement politique. De ce point de vue, la qualité principale du système est de constituer une école de gestion responsable.
Les considérations développées sur ces pages constituent une prise de position politique d'un citoyen soucieux de la préservation de nos ressources hydriques, et de l'avenir de la planète. C’est une prise de position d’un citoyen en dehors de tout mouvement ou parti politique.
Pour un aperçu des réflexions pertinentes, cliquer ici.
Première publication du texte de la présente page sur www.eautarcie.com: 2003
Adaptation du texte original et première publication de la présente page sur www.eautarcie.org: 2010-03-04
Mise à jour: 2010-03-04
Bien que l’utilisation de l’eau de pluie fasse partie intégrante de la gestion durable de l’eau, elle devient une activité incivique dans le contexte légal actuel.
Quand on utilise l’eau de pluie et qu’on déverse ses eaux usées dans les égouts, on ne participe plus à l’effort collectif pour l’épuration tout en continuant à polluer. En dépit des discours sur les économies d’eau, ni l’administration régionale, ni les sociétés distributrices d’eau ne peuvent recommander sans réserves ou arrière-pensée l’usage de l’eau de pluie. Pour l’une à cause du manque de recettes fiscales, pour l’autre en raison de la diminution du chiffre d’affaires.
L’usager découvrira les avantages de l’eau de pluie dont l’utilisation se généralisera en dépit des mises en garde des instances officielles. Avec la diminution de la consommation d’eau de ville, le prix de l’eau augmentera, ce qui rendra encore plus attractif l’eau de pluie. On entrera donc dans une spirale d’escalade. Pour maintenir les recettes fiscales, les administrations régionales seront donc tentées de taxer aussi l’eau de pluie. On taxera ainsi une pratique qui préserve nos ressources et diminue la pollution à la source. La taxation de l’eau de pluie n’est logique que dans un système légal absurde qui fait payer l’eau à la place de la pollution.
L’utilisation généralisée de l’eau de pluie diminue la consommation d’eau de ville. Il en résulte une augmentation du prix de l’eau, ce qui rend l’eau de pluie encore plus attractive. Ce sont les économiquement faibles, qui ne peuvent pas se permettre le placement des citernes et des pompes, qui vont donc payer l’eau de plus en plus cher. Utiliser l’eau de pluie devient ainsi un acte antisocial.
Dès le moment où le législateur fait payer les usages de l’eau en lieu et place de la pollution qu’on y rejette, la gestion de l’eau entre dans un cercle vicieux où cette ressource vitale devient inévitablement une marchandise monnayable. Cette option légale est aussi une agression contre l’environnement. Il faudrait une volonté politique pour sortir de ce cercle vicieux et prendre au sérieux le concept de la gestion durable de l’eau. Techniquement, c’est facile. Voire à ce sujet les paragraphes consacrés au principe du pollueur-payeur.
Le caractère incivique et antisocial de l’usage de l’eau de pluie est le résultat d’une législation absurde.
Malgré tout, on peut parfaitement sortir de cette impasse dès que l’on décide réellement de soustraire la production, la distribution et l’épuration des eaux à la logique marchande.
En Wallonie, le premier pas significatif dans cette direction serait le démantèlement de la SPGE. La Société Publique de Gestion de l’Eau (SPGE) n’est «publique» que dans la mesure où les fonds nécessaires pour alimenter ce gouffre à milliards proviennent des deniers publics. La direction technique réelle est dans les mains des cadres des sociétés privées qui participent dans les capitaux de la SPGE. Celle-ci ne fait que garantir la solvabilité des «clients» de ces sociétés en puisant généreusement dans le trésor public.
Le deuxième pas consisterait à rendre aux communes les compétences relatives à la gestion (distribution + épuration) de l’eau. Ce ne serait, par ailleurs, que respecter la loi communale contenue dans la constitution. Dans les petites villes et en milieu rural, les sociétés de distribution devraient redevenir communales. La distribution d’eau devrait être un véritable service public offert par la commune. Il en résulterait, sauf dans les grandes villes, une diminution substantielle du prix de l’eau. Environ 50% du prix facturé par les grandes sociétés intercommunales couvrent en réalité les frais administratifs. Plus une société devient grande, plus les frais administratifs augmentent. C’est un fait bien connu.
L’affirmation suivant laquelle «les Wallons ne sont pas égaux devant leur facture d’eau» entraîne une revendication dépourvue de sens lorsqu’on s’engage dans la voie de la gestion durable. Le prix de l’eau est déterminé par une multitude de facteurs qui varient d’une commune à l’autre. Pour une protection efficace de nos ressources, il est logique de faire payer plus cher l’eau dans les communes où cette ressource est surexploitée. Dans ces communes, on devrait même appliquer une tarification progressive pour pénaliser le gaspillage. Dans d’autres communes, bien pourvues d’eau et ayant des ressources fiscales suffisantes, la commune pourrait distribuer l’eau gratuitement jusqu’à un certain volume par raccordement, bien qu’ici aussi, il faudrait une tarification progressive pour freiner le gaspillage.
Dès le moment où les sociétés distributrices deviennent de véritables services publics, la tarification de l’eau n’obéit plus à la logique commerciale. On peut fixer son prix suivant des considérations écologiques, techniques et en fonction de la politique sociale de la commune. Dans un tel environnement légal, on peut recommander l’utilisation généralisée de l’eau de pluie sans craindre la diminution des recettes fiscales et la viabilité des sociétés distributrices.
Le troisième pas important serait l’application rigoureuse du principe du pollueur-payeur. Il faudrait détaxer l’eau. La taxation de l’eau est un acte immoral, puisque celle-ci est un besoin primaire. De plus, elle viole le principe européen du pollueur-payeur. En taxant la pollution rejetée dans l’eau, on sort de l’impasse. Les frais d’épuration devraient être payés par une taxe prélevée au niveau de la consommation de tous les produits qui sont, de par leur usage, rejetés dans l’eau.
De toute manière, dès qu’on enlève aux sociétés multinationales la responsabilité de gérer l’eau, les frais inhérents à l’épuration fondent comme neige au soleil. On pourrait, dès lors, envisager même la détaxation des produits détersifs. La généralisation du concept de l’assainissement écologique, soustrait deux tiers à trois quarts de la population des zones à épuration collective. Dans les zones à épuration individuelle, les techniques proposées dans ces pages pourraient réduire les frais inhérents à l’assainissement à une valeur très faible. Par la même occasion, on pourrait oublier la pollution des eaux par le secteur domestique.
Parallèlement à la détaxation de l’eau, il faudrait engager une politique de décentralisation des sociétés productrices et distributrices.
En Wallonie, il y a moins de 40 ans, plus de 300 petites sociétés communales distribuaient une eau de bonne qualité gratuitement ou à un prix peu élevé. Les frais de gestion de ces sociétés entraient dans les frais généraux des communes. La fourniture d’eau était un service que la commune rendait à ses citoyens, sans la moindre prétention de rentabilité financière. Le regroupement des sociétés communales dans des grandes sociétés a eu comme conséquence de diminuer, dans de nombreux cas, la qualité de l’eau (en dépit de contrôles plus nombreux) et, dans tous les cas, d’augmenter les frais généraux. Les frais administratifs constituent près de la moitié du prix actuellement facturé au consommateur.
Les grosses sociétés intercommunales doivent afficher une rentabilité financière. Les frais généraux étant fixes, toute diminution de la consommation entraîne automatiquement une augmentation du prix de l’eau. A cela s’ajoute l’option absurde d’y incorporer la taxe pour financer l’épuration.
Pour sortir l'eau de la logique marchande, il faut :
Le retour aux petites sociétés communales sort l'eau de la logique marchande. Contrairement à ce que certains pourraient en penser, ce retour ne poserait pas un problème majeur aux communes. Les frais fixes d'exploitation et d'entretien du réseau entreraient dans les frais généraux inhérents aux divers services offerts. En fonction de l'abondance ou de la rareté de l'eau et compte tenu des impératifs sociaux, chaque commune développerait une politique de prix qui pénalise à des degrés divers le gaspillage.
On pourrait, dès lors, recommander les économies d'eau par la valorisation intégrale de l'eau de pluie, sans craindre une diminution des recettes. En milieu rural et périurbain, les précipitations pourraient couvrir au moins 80% de la consommation domestique. L'usage généralisé des toilettes sèches réduirait les besoins en eau des ménages de 25 à 35%. Dans cette option, la distribution centralisée sera une sorte d'assurance de fourniture d'eau en cas de pénurie due à la sécheresse. Sa contribution ne dépasserait guère 15 à 20% des besoins. L'eau ainsi épargnée de nos ressources naturelles serait alors disponible à d'autres usages, notamment agricoles. Les impacts environnementaux favorables seraient énormes.
Les mesures préconisées ci-dessus nous sortiraient rapidement de nos problèmes d’eau, du moins au niveau des villes et des communes. La taxation généralisée de la pollution orienterait les choix techniques vers les technologies de prévention de la pollution à la source.
En raison de la pollution générée, habiter en zone à épuration collective devrait coûter plus cher. On observerait la réduction progressive de ces zones au profit de zones réservées à l’assainissement intégré, ou «assainissement écologique». L’extension de ce nouveau concept réduirait considérablement les frais inhérents à la gestion des eaux usées. La réduction des frais aboutirait à moyen terme à la suppression de la taxe sur les produits détersifs dont la dégradation dans le sol ne pose pas de problèmes environnementaux.
Toute la législation européenne sur l’eau est basée sur un concept erroné, celui qui fait payer les usages de l’eau à la place de la pollution.
Une législation dont l’objectif est la protection de l’environnement doit réaliser l’application la plus stricte du principe du pollueur-payeur. Il n’y a pas d’autre moyen vraiment efficace pour garantir la motivation du contribuable pour les actes qui réduisent la pollution à la source. Or, sans la participation active du citoyen, toute politique de protection de l’environnement est vouée à l’échec.
Lorsqu’on incorpore la taxe pour l’eau pure dans le prix de l’eau, il n’y a pas de proportionnalité entre la nuisance générée et le montant de la taxe payée. On sépare, en plus, l’acte de pollution de sa pénalité fiscale.
Lorsque vous arrosez votre pelouse, votre jardin, vous payez la taxe pour l’eau pure, sans nécessairement polluer. A contrario, la personne qui abuse des produits pour les lessives, vaisselles, nettoyages et utilise pour ce faire de l’eau de pluie, de puits ou de source, générera beaucoup de pollution sans payer un seul euro de taxe. Avec le système de taxation actuel, il n’y a rien qui incite le consommateur à réduire sa pollution à la source.
Lorsqu’on fait payer les usages de l’eau, celle-ci devient une marchandise. Le profit que l’on peut tirer de ce commerce aiguisera l’appétit d’un secteur économique dont l’intérêt sera d’organiser la pénurie d’eau afin de maintenir ou même augmenter le chiffre d’affaires. A la place d’une gestion réellement durable, on favorisera les techniques centralisées de purification et d’épuration dont l’objectif caché, mais bien réel, est de perpétuer nos problèmes d’eau.
Lorsqu’on connaît les solutions alternatives, simples et bon marché de gestion décentralisée de l’eau, on est effrayé devant l’ampleur du désastre environnemental et humain généré par l’option «eau marchandise». En réorientant la législation vers la taxation de la pollution générée et la mise en avant des techniques de prévention, ainsi que la gestion décentralisée, on pourrait sortir le monde de ses problèmes d’eau en moins de deux générations.
Aucune «charte mondiale de l’eau», aucune déclaration solennelle de «gestion solidaire» ou de «manifeste de l’eau» ne peut remplacer une législation qui favorise les techniques de gestion réellement durable. Pourquoi n’y a-t-il alors pas une volonté politique pour favoriser ces techniques ? À cause de la pression énorme d’un secteur industriel et économique sur les décideurs politiques.
Le monde des scientifiques universitaires et aussi les environnementalistes les plus médiatisés ont aussi une responsabilité lourde dans cette dérive. Les meilleurs scientifiques connaissent ce problème, mais préfèrent ne rien dire par opportunisme et par crainte pour leur carrière. Les chefs de fil des environnementalistes restent fermés devant les idées développées dans ces pages, aussi par opportunisme, par ignorance et par crainte de voir diminuer le budget qui leur est octroyé.
Pourtant, dans le secteur domestique, faire payer la pollution est techniquement aussi simple que faire payer l’eau. La taxe pour l’eau pure devrait être incorporée dans le prix d’achat de tous les produits qui, suite à leur usage, sont rejetés dans l’eau.
La ménagère européenne moyenne consomme 3 à 5 fois trop de matière détersive pour l’objectif de propreté visé. La taxation des savons, poudres à lessiver, l’eau de Javel, shampooings, liquides vaisselles, etc., en réduirait la consommation et diminuerait la pollution d’une manière conséquente avant même de dépenser le premier euro pour les stations d’épuration. On pourrait même affiner l’application rigoureuse du principe du pollueur-payer en appliquant un taux de taxation proportionnel à la nuisance de chaque produit à la fabrication et à l’usage. On pourrait donc fiscalement orienter le consommateur vers les produits les plus respectueux de l’environnement. Actuellement, on va dans le sens opposé, car ces derniers produits sont plus chers à la fabrication.