Ces pages n'ont un sens qu'à ceux qui récoltent les eaux savonneuses (eaux grises) séparément des eaux-vannes (eaux fécales). Lorsqu'on est engagé dans la volonté de gérer durablement ses eaux, il faut s'imprégner de l'idée suivant laquelle l'épuration des eaux usées domestiques est une erreur. Dans l'intérêt de l'environnement, le but n'est donc pas l'épuration, mais en priorité la valorisation de ses eaux. Les traitements qu'on leur fera subir sera donc conditionné par l'usage ultérieur.
C'est en 1992 que Joseph Országh a lancé publiquement la première fois l'idée de collecter et de traiter d'une manière sélective les eaux-vannes et les eaux grises. [Tribune de l'eau (CEBEDEAU-Belgique), vol.45, pp. 89-94, (1992)]. Deux ans après, la même idée a été exposée au 11e Congrès JIE (Journées Information Eau) le 28-30 septembre 1994 à Poitiers. En 2000, par la description plus précise du système SAINECO, deux publications de Joseph Országh on vu le jour : en Chine [Urban Water Management Technology in respect to Protecting the Agriculture Ecosystems, in Water Resources and Hydro-power Engineering, Beijing China, Vol. 31, N°7, p.58-60 (2000)] et en France [Assainissement Intégré : une nouvelle vision de la gestion des eaux usées domestiques, 14e congrès JIE à Poitiers (France) 13-15 sept. 2000; comptes-rendus pages 49-1 à 49-13.
Il est instructif de lire un témoignage venant d'Andalousie (Espagne) traitement des eaux usées en région sèche. Toutefois, la solution adoptée par Véronique s'inspire encore de la volonté d'épurer. Comme nous allons voir, il y a des solutions plus simples, meilleur marché et plus efficaces.
Pour voir le schéma général d'un système TRAISELECT, cliquer ici.
Première publication du texte de la présente page sur www.eautarcie.com : 2003
Adaptation du texte original et première publication de la présente page sur www.eautarcie.org : 2009-09-30
Mise à jour : 2016-08-28
La lecture de ce chapitre prend un certain temps dont ne disposent pas nécessairement nos lecteurs. Afin d'avoir une idée sur la réalisation du système le plus simple du traitement sélectif des eaux grises (savonneuse), ne contenant plus d'eaux-vannes (eaux fécales), en voici la description.
En milieu rural et périurbain (maisons familiales avec jardin) même ceux qui souhaitent continuer l'utilisation du WC classique peuvent sélectivement traiter leurs eaux grises d'une manière très efficace pour la protection de l'environnement. Pour cela, ils doivent installer une sortie séparée pour les eaux grises. Les eaux-vannes seront provisoirement rejetées dans l'égout existant. En zones à épuration individuelle, ces eaux entreront dans une fosse à vidanger réservée aux eaux-vannes.
Ceux qui adoptent une bonne toilette sèche comme la TLB n'auront évidemment aucun frais de transformation à l'intérieur de la maison. En l'absence d'eaux-vannes, il traiteront leurs eaux grises dans le jardin.
En été, les eaux grises seront simplement conduites, à l'aide d'un ou de plusieurs tuyaux flexible(s), au pied des plantes à irriguer. Afin de limiter l'évaporation on y installera une couverture du sol (mulch). On peut envisager le stockage de ces eaux dans un bassin à ciel ouvert. On aura ainsi une clarification des eaux par photo-épuration, au prix d'une perte par évaporation.
En hiver et en périodes pluvieuses, les eaux grises seront déversées dans une simple fosse septique, dont le trop-plein alimentera, un puits perdant, un drain de dispersion ou au mieux, une cavité de dispersion. C'est aussi la solution de ceux qui ne souhaitent pas s'occuper de leurs eaux usées.
Ces systèmes ne demandent aucun entretien. Après leurs installation « on peut les oublier ».
NB : Ceux qui s'intéressent surtout aux aspects pratiques du traitement sélectif des eaux grises, peuvent passer les deux premiers paragraphes de réflexion sur le sujet, et entamer la lecture du paragraphe technique.
Afin de comprendre le pourquoi des solutions techniques proposées, il est souhaitable de parcourir les pages qui suivent.
Lors d'une réunion du Réseau d'Assainissement Durable tenue à Verviers (Belgique) le 12 et 13 mars 2012, dont le sujet était « l'assainissement durable », des voies se sont élevées contre cette dénomination, en insistant sur le fait qu'un « assainissement » ne peut être que « durable ». D'après tous les intervenants, un assainissement « non durable » est dépourvue de signification, puisque « assainir » ou « épurer » ne peut être que bénéfique à l'environnement. Cette vision, que je qualifierais de classique, a bien été formulée aussi par les responsables – des environnementalistes convaincus – du contrat de rivière Dyle, de la manière suivante :
« Quelle définition donner à l'assainissement durable ? L'assainissement se conçoit aisément : c'est l'épuration de nos eaux usées, et au-delà c'est rendre au milieu des produits de qualité (eaux et/ou boues) issus de nos déchets. Mais le durable ? Si un de nos lecteurs se revendique d'un assainissement non durable, qu'il se manifeste. Sa franchise mérite le respect. L'époque veut cela : nous mangeons, nous respirons, nous produisons et bien sûr nous déféquons tous durable, ad nauseam. »
Dans la définition des responsables du contrat de rivière Dyle, on relève une première idée, suivant laquelle, on peut mettre un signe d'égalité entre « assainissement » et « épuration » qui, dans leur esprit, sont synonymes. Le souci est donc de « rendre au milieu des produits de qualité (eaux et/ou boues) issus de nos déchets ». Autrement dit : le but est la dé-pollution.
La deuxième idée est plutôt une invitation pour se manifester si l'on « se revendique d'un assainissement non durable ». Moi, personnellement, j'aimerais manifester, non pas que je sois un adepte de l'assainissement non durable, mais je souhaiterais dire que l'assainissement tel qu'on le pratique actuellement partout dans le monde n'est pas durable. Donc, contrairement aux idées reçues, un assainissement non durable existe bel et bien.
La troisième idée est un aveu d'impuissance. Il faut épurer car la pollution est une fatalité contre laquelle nous ne pouvons rien, sinon « épurer pour rejeter de produits de qualité ». La phrase : « nous mangeons, nous respirons, nous produisons et bien sûr nous déféquons tous durable, ad nauseam » relève aussi d'une idéologie [1], celle d'assimiler nos déjections à une chose repoussante et nauséabonde.
Analysons une à une ces trois idées, reflétant le courant dominant de la pensée, sur le sujet.
La science du génie sanitaire a évolué d'une manière linéaire pour répondre à chaque époque aux préoccupations du moment. La succession était : un problème, une solution, un nouveau problème, une nouvelle solution, ainsi de suite. En analysant l'histoire de l'assainissement, on découvre avec stupéfaction que chaque solution apportée, créait systématiquement de nouveaux problèmes, dont la solution en engendrait encore d'autres à résoudre dans une sorte d'escalade sans fin.
La confusion entre l'assainissement et l'épuration est le résultat d'une longue évolution historique d'au moins deux siècles. Assainir ou rendre sain était le souci d'évacuer des eaux sales hors de la ville. Ce qu'il fallait rendre sain, c'est l'habitat urbain. C'est la raison pour laquelle, au début, assainissement rimait avec placement d'égout, pas encore avec épuration. Lorsqu'on amène nos saletés hors de la ville, elles n'en restent pas moins des saletés. Nos rivières sont devenues des égouts à ciel ouvert. Au lieu de développer une réflexion profonde [2] sur le sujet et d'essayer de remonter aux sources du mal (si mal il y a) les techniciens ont choisi – comme nos médecins – le traitement symptomatique : l'épuration.
A ce niveau une autre option erronée a vu le jour : pour plus de facilité, les eaux épurées devaient être évacuées jusqu'à la rivière la plus proche. Dans l'esprit des techniciens, la rivière était l'exutoire idéal, puisque son eau provenait d'une ressource renouvelable, donc « inépuisable ». De même, la mer où se déversaient les rivières était considérée comme un réservoir infiniment grand dans lequel on pouvait rejeter impunément tout et n'importe quoi. La vision dominante était d'évacuer hors de notre vue tout ce qui nous gêne [3]. On ne pensait pas aux conséquences.
[3]
C'est uniquement pour cela qu'on a créé les WC dont l'écobilan n'est catastrophique que grâce à l'épuration.
Écobilan d'un WC à chasse d'eau : Pour autant que le WC soit raccordé à un système d'épuration déversant ses eaux dans une eau vivante, l'eau gaspillée par l'usager d'un WC suffirait à irriguer les terres qui produisent son alimentation, et ses déjections, compostées avec des végétaux suffiraient à les fertiliser. L'usager d'un WC détruit donc chaque année sa propre base alimentaire. Les déjections ne deviennent déchets et pollution, et elles ne représentent un danger pour l'environnement, que suite à l'épuration.
A la fin du 20e siècle et du début du 21e, malgré mes mises en garde formulées au monde international scientifique, on a dépensé des sommes astronomiques pour la collecte et l'épuration des eaux usées. Tout cela pour aboutir à un constat d'échec (que les techniciens ne veulent toujours pas reconnaître) : en dépit de la réalisation du programme d'épuration, la vitesse de dégradation de la qualité de nos réserves d'eau souterraines n'a pas diminué. De même, la qualité moyenne de nos cours d'eau a continué à baisser, même si localement, il y a eu des améliorations. Ce qui est encore plus grave, est qu'on ne s'est même pas aperçu que l'épuisement de nos réserves d'eaux souterraines est la conséquence indirecte du système du tout-à-l'égout. Ce fait échappe encore aux spécialistes de l'eau.
Le premier paradigme du génie sanitaire actuel qui postule que « pour mieux protéger l'environnement il faut épurer » montre à présent clairement ses limites. C'est peut-être choquant pour certains, mais on peut aisément montrer que c'est le contraire qui est vrai : plus on épure les eaux issues des habitations, plus on pollue et plus on détruit l'environnement. L'assainissement actuel ne peut donc en aucun cas d'être qualifié de « durable ». Un assainissement « non durable » existe donc bel et bien!
Nous arrivons ainsi à la notion de l'assainissement non durable. Il s'agit d'un ensemble de techniques imposées actuellement par les lois dont les impacts négatifs sont très importants. Dans un village, par exemple, la pollution et la destruction véritables de l'environnement commencent dès que l'on place les égouts ou les systèmes d'épuration « agréés » [4].
Mais la pollution par les nitrates et l'eutrophisation de nos cours d'eau n'est qu'un aspect mineur des nuisances de l'épuration. Le véritable gâchis environnemental trouve son origine dans l'ignorance des relations intimes qui existent entre la production alimentaire mondiale et le traitement des eaux usées issues des habitations. Cette idée est bien résumée dans notre vidéo intitulée « SAINECO ou la fin du tout-à-l'égout ».
Lorsqu'on entend la phrase « nous mangeons, nous respirons, nous produisons et bien sûr nous déféquons tous durable, ad nauseam » on reste songeur devant l'attitude égo- et anthropocentrique. Cette chose que nous appelons déjections devient ainsi un mal incontournable qu'il faut détruire, éliminer de notre vue. Seulement, devant les faits, l'anthropocentrisme est aussi une idéologie dépassée. Que nous l'admettons ou pas, l'humanité fait partie de la biosphère. Or, dans cette biosphère rien ne se passe sans une finalité, pas même le fait que nous déféquons et nous urinons – comme les animaux. Les déjections humaines et animales ne sont pas des déchets à éliminer, mais elles font partie d'une succession de transformations nécessaires au bon fonctionnement de l'ensemble. Tant que nous n'étions que un ou de deux milliards sur cette terre, on pouvait encore ignorer ce fait. Mais les déjections de 7 milliards d'humains constituent une biomasse comparable à celle produite par nos animaux. Les deux ensemble, avec la production végétale, constituent la base de la production alimentaire durable dans un monde où nous sommes de plus en plus nombreux. Dans ce contexte détruire la matière organique de nos déjections – et les transformer en pollution – sous prétexte d'épuration, est un activité suicidaire. L'image de Friedensreich Hndertwasser est juste : les égouts sont les veines ouvertes par lesquelles le sang de la Terre s'en va comme lors d'une hémorragie. Celui qui perd son sang, finit par mourir.
En prenant connaissance des principes de SAINECO, les techniciens en génie sanitaire ont tendance à en prendre ce qui les arrange. Ils ne réalisent pas que l'ensemble de ces principes font un tout, un système cohérent. Qu’un seul de ces principes soit mis de côté, et l'ensemble ne fonctionne plus. C'est le système du tout-à-l’égout qui est la base de nos problèmes d'eau dans le monde et indirectement aussi une partie de nos problèmes de changements climatiques. Le traitement par les plantes des eaux épurées en station d'épuration, l'épuration par ultrafiltration, le compostage ou le traitement des boues, la phytoépuration, etc., ne constituent que des « emplâtres sur une jambe de bois ». Le gâchis est irréversible dès le moment où les eaux grises et les eaux-vannes sont mélangées et la matière organique de nos déjections est détruite par épuration. La destruction par épuration des composés organiques de nos eaux-grises ne fait que renforces ce gâchis. De ce point, il n'est plus possible de revenir en arrière : la synthèse de l'humus pour le sol se fait à partir des structures moléculaires contenues dans les déjections riches en azote et en phosphore et dans la biomasse végétale riche en carbone cellulosique – pour être soumis ensemble à une succession de transformations en contact intime avec le sol. Les polymères des acides humiques(aminées) se forment grâce à la greffe des matières azotées (protéiques) d'origine animale (ou humaine) sur le squelette d'hydrates de carbone des molécules polymériques de la cellulose et de la lignine végétales. Il n'y a pas d'autre chemin. L'épuration des eaux, même avec les plantes, brise cette succession de processus, en détruisant les structures moléculaires citées plus haut.
L'humus est « l'or brun de la terre », une substance vitale. Son importance est telle qu'il n'est pas exagéré de dire que l'histoire de l'humanité est aussi une histoire d'humus. Les migrations des peuples de l'histoire trouvent leur origine dans l'épuisement de l'humus des terres. Seulement, actuellement, il n'y a plus de terres vierges à conquérir. Notre planète est une sorte de vaisseau cosmique dans lequel il faudra apprendre à vivre d'une manière économe en ressources. Les déjections humaines et animales en font partie. Si nous ne prenons pas le virage à temps vers la gestion durable de la biomasse, nos terres agricoles finiront par disparaître par érosion et écoulement vers la mer. Sans humus, le sol « ne tient plus », il disparaît sous l'effet de l'érosion. Actuellement les réserves humiques de nos terres sont tellement épuisées qu'elles ne peuvent encore produire que « sous perfusion » à l'aide d'engrais chimiques. Seulement leur usage accélère encore le phénomène de disparition de l'humus.
Pour sauver ce qui peut encore l'être de nos terres, et assurer une production alimentaire durable, il faut mobiliser la totalité de la biomasse animale (humaine) et végétale disponibles et les faire entrer dans les processus de formation de l'humus à l'aide de différentes techniques de compostage. Une telle mobilisation de la biomasse éliminera progressivement les besoins en engrais de synthèse et à terme même ceux en produits phytosanitaires. La Terre retrouvera la santé, et nous aussi. Le premier pas dans cette direction est la suppression du système du tout-à-l'égout. Il n'y a pas d'autre alternative.
EAUTARCIE étant – du moins à son départ – une démarche individuelle, ses impacts se mesurent d'abord à l'échelle d'un jardin familial. L'extension du concept de l’EAUTARCIE aurait par contre des impacts dépassant les prévisions les plus optimistes des gestionnaires de l'eau et de notre environnement. Suivant cette démarche, le traitement sélectif des eaux-vannes et des eaux grises nous ouvre la voie vers un monde où les habitations ne polluent plus les eaux naturelles. Bien plus : grâce à la valorisation des eaux usées, on améliore l'environnement.
Pour comprendre la pertinence à traiter d'une manière sélective les eaux grises, il faut prendre conscience de trois réalités analytiques :
Les eaux usées issues des habitations sont les eaux grises et les eaux-vannes. Suivant la vision classique de l'assainissement, ces eaux doivent être mélangées et épurées ensemble. Suivant le concept de l'assainissement écologique ou SAINECO, le système de « tout-à-l'égout » obéit à la même logique que celui de « tout à la poubelle », et est donc inadmissible. La composition des deux types d'eau étant différente, leur traitement sélectif est une approche incontournable. Dans les habitations familiales, les eaux-vannes peuvent ne pas être produites grâce à l'usage d'une bonne toilette sèche. En ville, la solution consiste à collecter les eaux-vannes sélectivement et les acheminer vers un centre d'imprégnation et de compostage.
Pour bien faire, les eaux grises ne devraient pas être épurées. Cependant, afin de satisfaire la vision dominante qui veut tout épurer et à tout prix, nous avons mis au point un système d’épuration de base (pré-traitement en fosse et infiltration dans le sol) ainsi qu’un système plus élaboré (système TRAISELECT) susceptibles d'épurer les eaux grises d'une famille. En dépit de ses performances exceptionnelles, en zone à épuration collective, l'épuration sélective des eaux grises est interdite par la loi. Celle-ci, pas plus que les fonctionnaires, ne connaissent , ou plus exactement, pour des raisons non scientifiques, ne veulent pas connaître, les particularités des eaux grises. Appliquer donc les mêmes principes, et les prescriptions légales en vigueur, au traitement des eaux grises aboutit à des erreurs et à des conflits regrettables, ainsi qu'à des dépenses inutiles. Voir à ce sujet le chapitre sur Le système TRAISELECT et la loi.
Remarque importante. Actuellement, en dépit de ses performances épuratoires, nous ne conseillons pas le placement du système TRAISELECT. Ce système est le résultat d'une sorte de « défi » que j'ai été obligé de relever pour répondre aux objections des collègues de génie sanitaire. Lorsque j'ai exposé publiquement la nécessité de collecter et traiter séparément les eaux grises et les eaux-vannes, plusieurs collègues éminents m'ont fait remarquer que « l'épuration sélective des eaux grises ne marchera jamais puisque l'azote et le phosphore contenus dans les eaux-vannes sont indispensables pour nourrir les bactéries qui décomposent les savons et les détergents ». Le système TRAISELECT était la réponse à ces objections. Aucun des collègues qui prétendaient que l'épuration sélective « ne marchera pas » n'a trouvé utile de venir voir au moins une des installations TRAISELECT qui rejette une eau proche de l'eau potable.
Dans le contexte légal actuel, surtout en zone à épuration collective, les utilisateurs des toilettes sèches qui souhaitent épurer leurs eaux grises sont exposés à des tracasseries administratives, voire des amendes. Dans les faits, en zone à épuration collective, toute démarche vers l'assainissement durable est rigoureusement interdite. Au lieu de l'environnement, la loi protège uniquement le marché de l'épuration, d'où l'obligation absurde de se raccorder à l'égout. Il y a donc obligation de rejeter ses eaux usées dans l'égout, même si l'on peut prouver par des analyses que son système d'épuration est plus performant que l'épuration collective. Ce qui équivaut à fouler au pieds le principe européen de « l'application de la meilleure technologie disponible et économiquement acceptable ». C'est vraiment dommage, car ceux qui compostent dans leur jardin les effluents de leur toilette sèche et valorisent les eaux grises suivant les techniques exposées dans ces pages, cessent de polluer les eaux. Ces systèmes assurent une protection de l'environnement qu'aucun système d'épuration classique (y compris la phytoépuration) ne pourra jamais égaler.
Le législateur wallon refuse toujours (juin 2016) la révision de la loi sur l'épuration qui permettrait aux familles les plus motivées pour l'environnement d'épurer leurs eaux grises en zone à épuration collective. Ces familles devraient avoir la possibilité d'obtenir une dérogation par rapport à l'obligation de se raccorder à l'égout et par rapport à la taxe pour l'épuration.
Les éléments donnés ici peuvent servir à établir le dossier de demande d'autorisation pour un système de traitement sélectif des eaux. L'expérience montre que dans des cas, où le fonctionnaire local était plus ouvert aux expériences vers la gestion durable des eaux usées, certains usagers ont obtenu une sorte d'autorisation (verbale, officieuse) pour utiliser les eaux grises dans leur jardin.
Par rapport aux eaux issues des habitations munies des WC, les eaux grises seules ne contiennent presque pas d'azote et de bactéries de contamination fécale. Leur charge polluante est surtout composée de savons, de détergents (produits de nettoyage, de lessive, de vaisselle, d'hygiène personnelle, etc.), de graisses et rarement des phosphates provenant de certains produits de lessives.
On y remarquera l'absence quasi totale de matières organiques azotées (protéines, urée), de résidus de médicaments (œstrogènes, antibiotiques, etc.) et de phosphore organique (contenu dans les déjections) d'origine métabolique. Aux fonctionnaires, qui doivent appliquer les lois en vigueur (inadaptées aux réalités du terrain), il vaut mieux dire que le traitement et le déversement des eaux grises dans le milieu récepteur obéissent à d'autres critères scientifiques que ceux des eaux usées habituelles.
A propos des lessives et les phosphates, celles-ci ne représentent une menace pour l'environnement qu'après épuration et rejet des eaux épurées en rivière. Il en est de même en ce qui concerne tous les produits utilisés dans le ménage. Lorsque les eaux grises sont infiltrées dans le sol, aucun de ces produits ne peut atteindre la nappe phréatique. On ne connaît pas de cas de pénétration de savons, de détergents ou de phosphates dans les réserves souterraines d'eau potable. Celles-ci ne sont polluées que par les engrais chimiques, le lisier d'élevage et les pesticides. Lorsqu'on utilise ses eaux grises pour l'irrigation des plantes – en fait c'est la solution la plus rationnelle pour le traitement de ces eaux – les phosphates des lessives (ces lessives sont efficaces et bon marché) apportent du phosphore précieux aux plantes de son jardin, au lieu de nuire à l'environnement via la station d'épuration.
En étudiant en laboratoire les impacts environnementaux de l'irrigation par les eaux grises non traitées, on constate avec surprise que les différences entre les lessives à base pétrochimique et celles fabriquées à base des substances naturelles disparaissent. Les deux sont fixées d'une manière remarquable par tous types de sols et décomposées par les bactéries qui y apparaissent spontanément. Les lessives même naturelles et celles à base pétrochimique ne nuisent à l'environnement qu’après épuration ou lorsqu’on les rejette dans les égouts..
Le problème du phosphore dans la production alimentaire mondiale est sous-estimé par les spécialistes en agriculture. Les techniciens en génie sanitaire, de leur côté, n'aiment pas parler du bilan de phosphore (pas plus que du bilan d'azote) de leurs systèmes d'épuration. Ils se contentent d'affirmer que grâce à l'unité de dé-phosphatage, cet élément est « éliminé » des eaux usées. Lire aussi l'article sur le Forum AquaPRIS 2011 à la page des actualités de l'EAUTARCIE.
De leur côté les environnementalistes se focalisent sur les phosphates des lessives, et oublient volontiers qu'au moins quatre-cinquième du phosphore des eaux usées urbaines provient des eaux-vannes. Même en cessant complètement l'usage des lessives phosphatées, le problème d'eutrophisation des rivières et l'invasion des algues sur les plages de l'Atlantique et de la Mer du Nord, suite au rejet des eaux épurées, n'est pas résolue pour autant.
Ce que tout le monde semble ignorer est le fait que l'épuration des eaux urbaines, même avec des unités de dé-phosphatage, rejette encore une quantité non négligeable de phosphore dans la mer. Ce phosphore, indispensable à la production alimentaire mondiale, est soustrait de la biosphère des continents par l'épuration. Il s'agit ici d'une sorte d'hémorragie qui, à long terme, aboutira à un déséquilibre grave que l'on masque actuellement par des apports massifs de phosphates provenant des mines. Ces phosphates servent à faire des engrais chimiques.
Seulement, les mines de phosphates du monde sont en voie d'épuisement. Le « pic de production » de cet élément est prévu dans 30 ans. Après cela, la production alimentaire mondiale – quelles que soient les techniques agricoles utilisées – diminuera inéluctablement. À moins de prendre le virage en appliquant les concepts exposés ici.
Avant l'avènement de l'épuration des eaux, la quantité de phosphore dans la biosphère des continents restait une valeur sensiblement constante, puisque les déjections humaines et animales n'étaient pas encore canalisées vers les océans. Rien que ce fait, devrait faire réfléchir les décideurs politiques lorsqu'ils proclament que toutes les villes du monde devraient être assainies par épuration. Même en mettant en place des unités de dé-phosphatage, le résidu sortant de ces unités perpétuera l'hémorragie du phosphore des continents.
Nos correspondants (surtout des environnementalistes) nous reprochent parfois d'être des « intégristes ». Ils estiment qu'il est exagéré de dire que l'épuration est une nuisance environnementale majeure. En dernière analyse, compte tenu des impacts indirects importants du système de tout-à-l’égout sur les changements climatiques, nous, l’équipe d'EAUTARCIE, sommes en réalité en-dessous de la vérité. L'épuration avec le système de tout-à-l'égout est un activité suicidaire à l'échelle mondiale.
À la limite, compte tenu de leur composition, les eaux grises pourraient être infiltrées dans le sol sans aucun traitement à l'aide d'un système de dispersion correct, comme un drain ou un puits perdant. François Tanguay, dans son livre intitulé Petit manuel de l'auto-construction [Editions de Mortagne, Québec, 1990] préconise la dispersion directe des eaux grises dans le sol. Cette idée séduisante a été reprise par d'autres aussi. Après plus de 20 ans que cela a été annoncé au monde scientifique, on commence à redécouvrir l'irrigation par les eaux grises, mais avec des restrictions sanitaires incohérentes et inutiles.
Lors de la rédaction de votre demande d'autorisation d'utiliser le traitement sélectif des eaux grises, introduisez dans le dossier les éléments scientifiques exposés ci-dessous :
En l'absence d'eaux-vannes, les eaux grises ne contiennent presque plus d'azote, ni de bactéries de contamination fécale. Elles n'introduisent donc pas de nitrates dans la nappe phréatique. Ces eaux ne contiennent presque plus de résidus de médicaments qui sont dans les eaux-vannes.
Les savons et les détergents contenus dans les eaux grises sont des macromolécules organiques composées de carbone, d'oxygène et d'hydrogène. Infiltrées dans le sol, ces molécules, électriquement polaires, s'adsorbent (collent) facilement sur les particules du sol. À l'aide de la flore bactérienne du sol (la pédo-faune), elles se décomposent spontanément en eau et en dioxyde de carbone. Le soufre contenu dans les détergents est libéré sous forme de sulfates. Les phosphates et les sulfates provenant des lessives sont précipités par les ions de calcium, toujours présents dans la plupart des sols, sous forme de sels peu solubles, voire insolubles. Ces éléments (azote et phosphore) n’ont aucune chance d'atteindre la nappe phréatique. Ainsi, l'infiltration des eaux grises seules dans le sol, même sans aucun traitement, aura un impact environnemental nul et cela quelle que soit la qualité des produits détersifs (savons, poudres à lessiver, produits à vaisselles, etc.) utilisés par le ménage.
On peut donc utiliser les eaux grises pour l'irrigation des plantes du jardin, sans le moindre traitement préalable. En cas d'infiltration dans le sol, il faut éviter le colmatage du système de dispersion. A cette fin les eaux doivent passer par une fosse septique classique qui, de ce fait, devient une fosse à eaux grises, tel que décrit ci-dessous.
Pour prévenir le colmatage du système de dispersion, les eaux grises doivent préalablement subir un traitement dans un bioréacteur approprié, dénommé ici la fosse à eaux grises. D'après les expériences en laboratoire et aussi sur la base des observations faites sur le terrain, un séjour de l'ordre de 18 à 30 jours dans cette fosse suffit pour éliminer de 60 à 80% de la charge polluante (exprimée en DCO) des eaux grises. Mais le plus important est le fait que l'eau traitée de la sorte ne colmate plus le système de dispersion ou d'infiltration. Après ce type de digestion même les eaux grises ayant une DCO ou DBO5 plus élevées que les normes peuvent être infiltrées dans le sol, sans la moindre nuisance. À contrario, le déversement des eaux « conformes » (répondant aux normes de rejet) dans un système aquatique naturel fait des dégâts considérables. Ceux qui ont encore un puits perdant l'utiliseront, pour infiltrer l'eau sortant de la fosse à eaux grises. D'autres peuvent installer un simple drain ou une cavité de dispersion. Ainsi, l’infiltration des eaux grises, après passage dans une fosse septique (fosse à eaux grises), constitue une solution simple, peu onéreuse et très efficace pour la protection de l'environnement.
C'est la solution de ceux qui ne veulent pas s'occuper de leurs eaux usées. Pour les autres, en été nous recommandons l'utilisation des eaux grises pour l'irrigation, en prenant soin de bien les disperser à travers le jardin. D'après l'expérience d'un certain nombre d'usagers, quels que soient les produits utilisés dans le ménage, ceux-ci ne semblent pas nuire aux plantes. Cependant, un grand excès de l'usage de l'eau de Javel (par ailleurs nuisible à la santé), de l'esprit de sel ou de l'ammoniaque aura des répercussions sur vos plantes cultivées. L'observation directe des plantes du jardin permet immédiatement de rectifier le choix des produits de ménage. Ce type de rétroaction salutaire est absent dans le système de tout-à-l'égout.
L'infiltration des eaux grises épurées a été modélisée en laboratoire. La traversée de quelques centimètres de terre suffit pour les rendre limpides et inodores, répondant aux normes de déversement les plus sévères. Grâce au pouvoir épurant remarquable du sol et de sa pédofaune, la faible charge polluante résiduaire à la sortie de la fosse à eaux grises se décompose rapidement en eau et en dioxyde de carbone. Dans des conditions anaérobies (donc dans une fosse à eaux grises), une petite partie des sulfates et sulfonates (des lessives) est réduite en ions sulfure S2-, ce qui confère à l'eau une odeur de sulfure d'hydrogène H2S(qui sent l'œuf pourri). Les ions S2- de sulfure d’hydrogène, sulfates et phosphates précipitent dans le sol avec les ions de calcium, présents dans l'écrasante majorité des sols. De plus, en raison d'une dénitrification anaérobie intense, les eaux sortant d'une fosse à eaux grises contiennent moins d'azote que l'eau de distribution utilisée par le ménage. Dans votre document de demande d'autorisation, il faut exiger des analyses d'azote nitrique sur les eaux sortant de votre fosse à eaux grises, ainsi que la comparaison avec l'analyse des eaux sortant des systèmes d'épuration imposés par la loi. La comparaison mettra bien en évidence les performances supérieures de votre système.
En cas de litige avec l'administration, avec l'assistance d'un avocat, faire valoir le principe européen « d'utilisation de la meilleure technologie disponible et économiquement acceptable ». La question juridique à poser est la suivante : « Compte tenu du fait qu'en cas d'infiltration des eaux traitées dans le sol, seuls les ions nitrates ont une chance de polluer les nappes phréatiques, de quel droit interdit-on l'utilisation d'une meilleure technologie que celle imposée par les règlements? ». Cette démarche est valable aussi aux utilisateurs de système TRAISELECT où suite au placement des égouts, on veut mettre hors service le système d'épuration sélective des eaux grises.
Eu égard au bilan azoté de ce type de traitement, si ces eaux devaient atteindre la nappe phréatique, dans l'écrasante majorité des cas, en diluant les eaux de la nappe contenant des nitrates, elles amélioreraient la qualité des eaux souterraines. Ainsi, l'impact sur les eaux souterraines est non seulement nul, mais probablement positif!
En France, la dispersion dans le sol des eaux pré-épurées est autorisée. Le rejet de ces eaux dans un puits perdant ou dans un drain de dispersion n'a aucun impact environnemental, pour autant que la fosse à eaux grises n'ait pas reçu d'eaux-vannes (eaux fécales), mais uniquement des eaux grises. C'est parfaitement possible, grâce à l'usage des toilettes sèches. Dans ces cas, le fonctionnaire chargé du contrôle de la conformité de l'installation doit s'assurer de l'absence de WC à chasse d'eau dans l’habitation. En cas de doute, un simple dosage de l'azote dans les eaux rejetées par un ménage décèle immédiatement la fraude du maintien des WC
Dans certains cas, malgré le pré-traitement en fosse, l'infiltration des eaux grises dans le sol demeure contre-indiquée. Il devient donc nécessaire d’avoir recours au système TRAISELECT décrit au prochain chapitre.
En région karstique, sur roche fissurée sans sol, ou en zone inondable, le placement du système TRAISELECT est la meilleure solution. Nous pouvons aussi l'admettre pour ceux qui, à tout prix, souhaitent disposer d'un étang décoratif dans leur jardin. Ce système n'obéit pas au quatrième principe de SAINECO, car il a comme finalité d'épurer les eaux grises au prix d'une perte importante par évaporation.
TRAISELECT est un système d'épuration biologique qui a été développé à l'Université de Mons en Belgique avec l'aide de la Région wallonne. Cependant cette même région, par son arrêté sur le traitement des eaux usées, en interdit l'usage. TRAISELECT est donc adapté pour le traitement des eaux grises seules. En ce sens il respecte le premier principe de SAINECO. TRAISELECT est l'abréviation de « TRAItement SÉLECTif ».
Ce n'est pas un système manufacturé du commerce, mais c'est plutôt un ensemble de solutions techniques simples, accessibles à tous. Le système diffère fondamentalement des autres techniques d'épuration, du fait de son approche holistique.
Comme nous l'avons déjà indiqué, la solution la plus simple est d'irriguer les plantes avec les eaux grises, sans traitement préalable. (Il s’agit ici d’un genre de pédo-épuration.) Ces eaux ne sentent pas mauvais; au pire elles sentent la lessive. Si l'objectif est la valorisation de ses eaux usées pour l'irrigation, c'est le cas dans les régions sèches, il vaut mieux renoncer au système TRAISELECT, et même à tout système d'épuration par les plantes.
Certains usagers envisagent d'arroser leur jardin au départ du bassin de finissage de leur système d'épuration. Au point de vue de qualité, c'est tout à fait valable : l'eau est limpide et sans odeur. Seulement, c'est précisément en été, quand on a besoin d'arroser, que l'évaporation dans l'étang est la plus forte aussi. Cette évaporation est telle qu'on a du mal à maintenir le niveau de l'eau dans l'étang. Il ne reste donc pas d'eau pour arroser, sous peine de mettre le système à sec.
Pour des petits jardin, la solution la moins onéreuse consiste à stocker ses eaux grises dans un bassin étanche du jardin, bien exposé au soleil et à l'air. A partir de cette réserve, on peut conduire l'eau au pied des plantes à l'aide d'un tuyau flexible d'arrosage dont le bout est déplacé régulièrement. Bien qu'il n'y ait aucun danger, il vaut mieux éviter de mouiller les feuilles avec ces eaux. Deux de nos correspondants nous signalent que les pucerons « n'aiment pas » l'eau savonneuse. Il vous appartient d'expérimenter les effets des savons et des détergents sur les plantes cultivées. Jusqu'à présent, nos correspondants n'ont pas signalé de problèmes avec cette pratique.
Il y a des mises en garde de la part de certains scientifiques concernant cette pratique, qui s'inspirent de l'idéologie hygiéniste. A la lecture de ces travaux scientifiques, on relève souvent la confusion qui est faite entre « eaux grises » et « eaux usées mélangées » contenant aussi des eaux fécales. En ne parlant que « d'eaux usées » et non pas « d'eaux usées ne contenant pas d'eaux fécales » on sème la confusion dont le résultat est de semer la peur d'utiliser ses eaux grises. Pour eux, dès qu'on détecte quelques bactéries de contamination fécale dans notre entourage, « il y a danger ». Il s'agit ici d'une approche scientifiquement incohérente. Ces bactéries sont présentes en grand nombre partout dans notre entourage, sans provoquer le moindre problème de santé. Vous y êtes exposé même en prenant en main une poignée de porte en lieu public, en train, en tram ou partout ailleurs. Il y en a même sur votre assiette propre (ou au restaurant) qui n'a pas été désinfectée ou passé à l'étuve. Leur présence, au lieu de présenter un danger potentiel, est nécessaire pour maintenir notre système immunitaire en bon état de fonctionnement. Faites analyser l'eau du dernier rinçage de votre salade. On y trouvera des bactéries de contamination fécale, pourtant vous consommez ces salades régulièrement, sans attraper chaque fois une entérite.
Si, toutefois, vous avez peur de ces bactéries, n'utilisez pas vos eaux usées pour irriguer votre jardin. Contentez-vous de les conduire dans une fosse à eaux grises suivie d'un système de dispersion dans le sol.
On se questionne aussi quant aux effets nuisibles des produits utilisés dans le ménage. À ce sujet, il y a deux précisions à apporter :
Certains incriminent des sels de bore contenus dans certaines lessives comme étant nuisibles aux plantes et mêmes aux animaux. Lorsqu'on lit de telles mises en garde, il y a lieu de relativiser le danger réel. A ce sujet, il y a des remarques à faire :
Les expériences de laboratoire pour établir ces nuisances ne sont pas faites dans des conditions réelles d'usage, à savoir : une culture test avec irrigation partielle en eaux grises suivie d'analyses des plantes obtenues. Elles sont déduites des essais sur cultures hydroponiques alimentées avec de l'eau contenant nettement plus de sels de bore qu'un échantillon réel d'eau grise.
Cette mise en garde s'inspire du troisième paradigme du génie sanitaire actuel, suivant lequel le technicien n'a aucune prise sur la pollution générée. Dans un monde durable, on agit en amont des problèmes. Si à l'usage, on devait mettre en évidence que tel ou tel produit du ménage nuit aux plantes ou à la santé de l'usager, il convient d'en interdire la commercialisation et même la fabrication. De plus, rien ne vous empêche d'éviter l'achat de produits de ménage contenant des sels de bore dont la présence doit obligatoirement être indiquée sur l'emballage.
L'usager qui craindrait une nuisance de la part de tel ou tel additif dans les produits du ménage recherchera donc les produits qui n'en contiennent pas. Le rôle des instances et d'organismes de défense de consommateurs est précisément de signaler ces nuisances. Actuellement, elles se contentent de semer la peur, en mettant en garde contre l'utilisation des eaux grises. À la place de cela, il faudrait tout simplement publier la liste des lessives contenant les produits qualifiés de dangereux pour l'irrigation. À la limite, on devrait même créer un label « sans nuisance pour l’irrigation » pour les produits de ménage. Ce label serait visible sur l'emballage de ces produits. En attendant, un certain nombre de nos correspondants insistent sur le fait qu'ils utilisent des produits « respectueux de l'environnement » : dès lors ils ne craignent pas de nuisances pour leur plantes.
Donc, lorsque vous lisez dans les ouvrages consacrés à la pollution, sur les « nuisances » de tel ou tel produit de ménage, n'oubliez pas que les études ayant menée à ce constat ont comme hypothèse leur rejet en milieu aquatique. Effectivement ces milieux sont très sensibles à ce type de pollution. La situation est complètement différente, lorsque ces produits sont introduits dans le sol. La charge polluante apportée par ces eaux se décompose intégralement dans le sol sans pouvoir atteindre la nappe phréatique. Fixée donc dans le sol, grâce à leur présence, une flore bactérienne s'y développe qui a largement le temps de déconstruire ces molécules en eau et en dioxyde de carbone. De plus, les plantes ne les assimilent pas.
Il s'agit encore (en 2013) d'une technique expérimentale (que l’on pourrait dénommer la « photo-épuration ») qui semble donner de bons résultats pour des dépenses faibles. Des études doivent encore être effectuées pour préciser les conditions optimales de clarification des eaux par la lumière. Cette méthode simple et bon marché est basée sur des observations suivant lesquelles les eaux savonneuses exposées à la lumière du jour et à l'air clarifient spontanément. À terme elles deviennent limpides et peuvent répondre aux normes de déversement les plus sévères [5].
Les techniciens en génie sanitaire ne semblent pas s'intéresser à cette technique élémentaire qui a, du moins pour eux, l'inconvénient de ne pas coûter cher et ne demande pas une approche savante où des analyses onéreuses. On peut « noyer le poisson » dans un fatras de chiffres incompréhensibles au commun des mortels. Cette technique est simple à un point tel que même un enfant peut l'expérimenter.
Mes correspondants me posent souvent la question de savoir si l'on peut utiliser les eaux du bain dans la chasse de WC. C'est une idée inspirée par la volonté d'économiser l'eau. Théoriquement, la quantité d'eau utilisée pour l'hygiène personnelle peut couvrir 80 à 90 % de besoins pour la chasse de WC
D'après nos observations en laboratoire, les eaux des bains stockées dans un réservoir fermé « plongent » vite dans des conditions anaérobies. De ce fait, le milieu devient chimiquement réducteur. Dans ces conditions, le soufre contenu dans les produits détersifs (shampooing entre autres) est rapidement réduit en ions sulfure. Ces ions confèrent à l'eau une odeur d'œuf pourri, difficile à enlever sans passer par un étang de finissage (ou sans traitement chimique).
Afin d'éviter l'apparition d'odeurs pendant le stockage, certains fabricants en Allemagne et au Canada introduisent du chlore dans le réservoir de stockage. En fait, ces installations sont complexes au point de vue technique, et de ce fait, elles sont onéreuses. Leur amortissement financier (compte tenu du prix actuel de l'eau) peut s'étaler sur une longue période. Je pense personnellement que ce type d'installation n'est qu'une sorte de « faire semblant » de protection de l’environnement. Dans un monde durable où l'on appliquera les concepts de SAINECO, les soi-disant « économies d'eau » auront une signification tout à fait différente. Dans les maisons d'habitation familiales, dès le moment où les eaux-vannes ne sont pas produites grâce à l'usage d'une bonne toilette sèche, il n'y a pas de chasse à alimenter avec les eaux grises recyclées. De même, suivant le concept de SAINECO, ceux qui conserveront un WC à chasse économique n'auront pas un grand besoin d'économiser de l'eau. Dans les deux cas, la totalité des eaux grises seront valorisées soit par l'irrigation, soit pour alimenter un étang de finissage décoratif.
Avant de faire son choix sur le système d’épuration des eaux grises, il sera intéressant de tenter certaines expériences ou de considérer les techniques suivantes.
D'ailleurs, avant de vous lancer dans la réalisation d'un tel système, je vous conseille de faire l'expérience décrite ci-dessous. D'un autre côté, les professeurs de l'enseignement secondaire peuvent aussi initier des expériences de ce genre à faire par les élèves.
Mélangez dans une bassine large 6,5 litres d'eau de bain et/ou de douche, 2,5 litres d'eau de lessive et 1 litre d'eau vaisselle [6].
S'il s'agit de votre expérience personnelle en vue d'installer ce système chez vous, placez la bassine avec votre échantillon d'eaux grises dans le jardin, exposée à la lumière du soleil et à l'air, ainsi qu'aux précipitations. Il faut obligatoirement utiliser votre échantillon, car sa composition peut varier d'un ménage à l'autre, suivant les produits utilisés et les habitudes de consommation de l'eau par le ménage.
Lorsque l'expérience est réalisée dans le cadre d'une activité scolaire, vous pouvez récolter les échantillons chez plusieurs élèves et en faire un mélange qui représentera une sorte de moyenne.
Observez ce qui se passe au fil des jours dans l'eau exposée à la lumière. Notez le temps nécessaire pour l'obtention d'une clarification que vous estimez correcte. La clarification est satisfaisante après 10 jours à 3 semaines. Ce temps variera selon la charge polluante, la luminosité du moment et la température. En été c'est plus rapide qu'en hiver. À l'intention des élèves : vous pouvez essayer d'accélérer la clarification en y ajoutant un demi-verre (environ 1 décilitre) d'une solution contenant une cuillère à café (1 à 3 grammes) de chlorure de calcium. Il s'agit d'un sel très bon marché qu'on utilise pour dégager les routes enneigées en hiver.
Au niveau des expériences scolaires, vous pouvez évidemment affiner vos observations, encadrées par vos professeurs des sciences. Le but de l'expérience est de montrer que la collecte séparée des eaux grises et des eaux-vannes simplifie l’épuration d'une manière spectaculaire. Les eaux grises peuvent être épurées sans infrastructure lourde et coûteuse, avec une méthode simple qui ne consomme pas d'énergie. Montrez aux élèves la vidéo publiée sur internet à ce sujet.
Avant de placer la bassine avec l'échantillon d'eau grise au jardin, prélevez-en un décilitre dans un verre incolore et bien transparent. Afin d'illustrer la vitesse de clarification à l'aide d'une série d'images, on va photographier des verres contenant les échantillons prélevés dans la bassine, à intervalles régulières de temps.
Pour la photographie, placer le verre sur une table dans une pièce sombre, devant un arrière-plan de couleur noire (un tissu en velours noir par exemple). Éclairez le verre latéralement avec la lumière intense d'un spot. Devant le fond noir, le verre apparaîtra d'autant plus « lumineux » que l'eau est trouble. Ce sont les particules de salissure enrobés de détergents, qui diffusent la lumière incidente latéralement, ce qui donne cette impression de « luminescence ».
Attention! On n'est pas en présence du phénomène de « luminescence », mais de la « diffusion latérale de la lumière » par un système dispersé : émulsion, suspension. On voit donc que cette expérience élémentaire permet d'aborder de concepts scientifiques aussi importants que les propriétés des systèmes dispersés.
Répétez cette photographie après 2, 4, 6, etc. jours, toujours avec le même appareil photo, avec le même réglage, à la même lumière. Comparer les photos. Avec la clarification de l'eau, le contenu du verre devient de plus en plus transparent. Comme étalon, photographiez le même verre contenant de l'eau tout à fait claire.
Le professeur des sciences peut aussi demander l'aide à un laboratoire d'analyse. Si l'expérience est faite dans le cadre des journées des sciences ou de journées de l'eau qu'on organise chaque année, un laboratoire, une école supérieure ou une université ne refuserait pas l'aide à une école sous forme de quelques analyses simples à faire sur les échantillons d'eau en cours de clarification. Aux moins deux analyses sont indispensables : l'une sur l'eau avant la clarification et l'autre après x jours quand l'expérimentateur estime qu'elle est claire. L'analyse la moins chère est la mesure de la turbidité [7]. Même cela suffit pour illustrer le phénomène.
Il existe, en effet une corrélation simple entre la turbidité d'un milieu aqueux donné et la DCO ou la DBO5. Dès qu'on a établi cette corrélation, avec quelques mesures, par la suite, une seule mesure simple et bon marché de la turbidité que même les élèves peuvent faire, suffit pour estimer la DCO ou la DBO5 de l'échantillon. Les élèves établiront des diagrammes représentant la diminution de la charge polluante (DCO ou DBO5) de l'eau grise en fonction du temps.
En cas de collaboration plus intense avec un laboratoire, ces analyses apporteront des données publiables, à savoir : l'évolution de la charge polluante de l'eau, exprimée en DCO ou en DBO5 (au choix) en fonction du temps. La valeur de la DCO ou de la DBO5 obtenue à la fin de l'expérience est à comparer aux normes (DCO = 180 mgO2/l, DBO5 = 70 mgO2/l) de déversement des eaux usées. Le dosage de l'azote dans l'échantillon apportera la preuve que les eaux grises n'en contiennent que peu, comparées à la teneur en azote des eaux usées urbaines.
Les élèves sont alors invités à calculer la teneur en azote des eaux usées domestiques lorsqu'on utilise aussi un WC (exprimée en nitrates mg/litre en ions NO3-). Les données du problème :
Question subsidiaire : À partir de ces 5,2 kg d'azote N rejetée dans l'égout par une personne et par an, combien de kg de nitrate NO3- peut-il se former suite à une épuration (bio-oxydation) complète [8]?
En tenant compte du fait que les déjections sont rejetées avec l'eau de la chasse qui, en Région wallonne, représente 42 litres par jour par personne (rechercher le profil de consommationdans les autres régions), combien d'eau de distribution (contenant par exemple seulement 25 mg/litre de nitrate (valeur moyenne)) faut-il ajouter aux eaux issues du WC d'une personne par an pour ajuster la teneur en nitrates à la limite de 50 mg/l, tolérée pour l'eau potable? Les élèves découvriront qu'on pourrait faire flotter une péniche dans l'eau annuellement polluée par un seul usager d'un WC. Pour autant que l'eau de ce WC soit rejetée en station d'épuration. Dès le moment où les eaux-vannes (eaux fécales) sont envoyées dans un centre d'imprégnation et de compostage, la presque totalité de l'azote des eaux-vannes se retrouvera sous forme de composés organiques non lessivables dans l'humus du compost.
Comment modéliser le fonctionnement d'une fosse à eaux grises? Le mélange des eaux grises réalisé dans l'expérience précédente, au lieu d'être directement exposé à la lumière du jour, on l’enferme hermétiquement dans un bidon en plastique. Ce bidon sera donc placé dans l'obscurité (dans une armoire par exemple) à la température ambiante. Observez le gonflement du bidon après quelques jours de repos. En dévissant le bouchon, un gaz malodorant sort du bidon qu'il ne faudrait pas fermer hermétiquement par la suite, sous peine de voir le bidon éclater sous la pression des gaz formés par la fermentation spontanée. Ceci illustre déjà la difficulté d'utiliser des eaux grises stockées dans un réservoir pour la chasse du WC.
Après 3 semaines de digestion, le contenu du bidon est versé dans une bassine et placé dans le jardin comme pendant l'expérience précédente. Ici, la clarification intervient plus rapidement. Après relativement peu de temps, l'odeur désagréable disparaît et l'eau devient limpide.
Ici aussi, à titre de comparaison, les mêmes manipulations (prises de photos) et les mêmes analyses peuvent être faites. Par contre, dans cette expérience, il convient de faire le dosage des nitrates dans l'eau de distribution utilisée pour faire l'échantillon d'eau grise, mais aussi dans l'eau clarifiée. Comparer les valeurs obtenues et tirer les conclusions qui s'imposent. Cette expérience illustre la dénitrification anaérobie dans une fosse à eaux grises.
Pour revenir au candidat pour l'épuration par la lumière, moyennant le résultat de son expérience, il peut dimensionner correctement son système d'épuration. A titre d'exemple, disons que dans la bassine, l'eau soit claire après 15 jours. En ajoutant le fait que la charge polluante peut fluctuer et que la vitesse de clarification est fonction de la température et de la luminosité du moment (la longueur de la journée), il vaut mieux tabler sur un séjour de 3 semaines (21 jours) dans les bassins de clarification.
Si une famille de 3 personnes produit par exemple 250 litres d'eaux grises par jour, il faut prévoir comme volume total pour les trois bassins de clarification : 21 jours x 250 litres = 5250 litres, soit un peu plus de 5 m³ à partager en trois bassin de 1750 litres chacun. Ce ne sont pas des chiffres rigoureux, mais uniquement des ordres de grandeurs.
On creusera donc dans le jardin 3 bassins rendus étanches avec des bâches de plastique. La profondeur ne doit pas dépasser les 50 à 80 cm au milieu. Pour la mise en place de ces bassins, s'inspirer de la description de l'installation de l'étang de finissage du système TRAISELECT.
Dans le premier bassin où arrivent les eaux grises, l'eau sera trouble et sentira la lessive. Le trop-plein de ce bassin se déversera dans le deuxième, où l'eau sera déjà partiellement clarifiée. Le trop-plein des deux premiers bassins doit être équipé soit d'une jupe pour retenir les impuretés surnageant, soit le trop-plein sera un tuyau d'environ 80 mm de diamètre, muni d'un coude tourné vers le bas du côté de bassin qui déverse ses eaux.
Dans le deuxième et troisième bassin, vous pouvez déjà installer des plantes décoratives, des fontaines, des gargouilles suivant votre fantaisie. A cause de la présence des savons et des produits du ménage, l'eau de ces bassins aura une tension superficielle très basse. Ce qui fait que les femelles des moustiques qui essayeront de pondre des œufs sur l'eau, couleront immédiatement et se noieront.
Le troisième étang n'aura pas de trop-plein. En guise de trop-plein on placera au pourtour du bassin, juste au-dessus de la bâche d'étanchéité, des briques de tourbequi « pomperont » l'eau en trop par capillarité et la disperseront dans le sol. Si vous n'êtes pas bricoleur, vous avez intérêt à faire faire le placement de ces bassins par une entreprise spécialisée en création de jardins.
L'eau du troisième bassin sera suffisamment claire pour être utilisée à l'arrosage, au nettoyage de la maison ou pour laver la voiture. Malheureusement, en été, il y a des chances que la famille ne produira pas suffisamment d'eaux grises pour compenser l'évaporation. Il n'y aura donc pas d'eau disponible pour l'arrosage.
Nous tenons à insister sur le fait que la méthode décrite ci-dessus est encore au stade expérimental. Nous ne disposons pas de suffisamment d'expériences pour décrire avec certitude le comportement du système.
Une autre possibilité pour ceux qui ne souhaitent pas s'occuper de leurs eaux usées consiste à installer une zone humide dans le point bas de son jardin pour y conduire les eaux grises. Ici aussi, il s'agit d'une méthode expérimentale qui n'a pas encore fait ses preuves.
A cette fin, sur une superficie de l'ordre de 30m² (pour 4 personnes) on enlèvera une couche d'environ 15 à 20 cm de terre. La superficie de la zone humide dépend évidemment de la perméabilité du sol aussi. Sur sol compact et argileux, il faut prévoir une plus grande surface. On y plantera des arbres qui aiment l'humidité et qui en évaporent beaucoup, comme les saules, les peupliers ou les bambous. On peut également y installer des iris d'eau ou d'autres plantes aquatiques. Après les plantations, on remplira la cavité avec des galets de rivière lavés et on installera le tuyau de conduit des eaux grises. Attention, la cavité creusée ne doit pas être garnie d’une bâche de plastique. L'eau doit pouvoir s'infiltrer dans le sol.
Grâce à la présence des galets, les eaux n'apparaîtront pas, mais elles s'infiltreront dans le sol. En été, cette zone humide, même par temps très sec, apparaîtra comme un jardin luxuriant.
Les discussions ci-dessus font partie intégrante du concept de l'EAUTARCIE, qui est une approche scientifique et pratique de l'assainissement écologique (ou SAINECO).
Pour continuer la lecture, aller au chapitre sur La mise en place du traitement sélectif des eaux grises